Fragmentation induite par la gravité lors de l'imprégnation spontanée d'une jonction asymétrique
Jean-Baptiste Charpentier  1, *@  , Laurent Bizet  1@  , Abdelghani Saouab  1@  
1 : Laboratoire Ondes et Milieux Complexes  (LOMC)  -  Site web
CNRS : UMR6294, Université du Havre
53 rue de Prony, 76058, Le Havre Cedex -  France
* : Auteur correspondant

L'étude des écoulements diphasiques dans les milieux poreux est utile pour de nombreuses applications industrielles comme, par exemple, la mise en œuvre des matériaux composites ou l'exploitation pétrolière des sols. Dans ces deux applications, l'emprisonnement d'une phase par une autre est problématique et fait par conséquent l'objet de nombreuses recherches. Les mécanismes mis en jeu sont généralement étudiés soit à l'échelle microscopique pour illustrer des phénomènes singuliers (« snap-off », doublet de pore) soit à l'échelle macroscopique pour étudier la stabilité du déplacement du front en fonction des nombres adimensionnés qui caractérisent l'écoulement (digitations visqueuse et capillaire).

Récemment, Sadjadi & al. [1] ont montré l'existence d'un mécanisme local d'immobilisation temporaire d'un ménisque lors de l'imprégnation spontanée d'une jonction Y asymétrique. Ils en ont déduit une nouvelle loi de l'évolution du front en fonction du temps. Le ménisque s'arrête dans le capillaire le plus large car le capillaire le plus fin détourne le liquide par différentiel de la pression de Laplace.

Notre étude exploite ce mécanisme en y ajoutant la gravité. Celle-ci permet d'amplifier le phénomène si elle agit dans le même sens ou de l'atténuer dans le sens opposé. Elle conduit notamment à la fragmentation de la phase mouillante, qui ne se produit pas en son absence. La jonction est modélisée analytiquement en utilisant la loi de Lucas-Washburn et deux scénarios possibles sont identifiés lorsque le front d'un liquide complètement mouillant atteint la jonction :

i. lorsque la gravité renforce le détournement du liquide vers le capillaire le plus fin, une partie du liquide finit par se détacher du reste de la phase mouillante puis chute séparément dans le capillaire qu'il occupe. L'imprégnation reprend alors au niveau de la jonction et mène à la production d'autres fragments de taille comparable.

ii. si la gravité s'oppose au détournement du liquide, l'imprégnation est aussi dirigée dans un premier temps dans le capillaire fin par le différentiel de pression de Laplace. Puis, lorsque la pression hydrostatique devient comparable à celle-ci, l'écoulement change de direction et le capillaire le plus fin démouille jusqu'à la jonction. Cela induit la production d'un fragment isolé de liquide dans le capillaire large. Par la suite, d'autres fragments de liquide de taille différente sont produits dans le capillaire large.

Les conditions de mise en place sont étudiées ainsi que la dynamique du second scénario de manière analytique et les temps caractéristiques de mouillage et de démouillage sont identifiés ainsi que la hauteur maximale atteinte par le ménisque. Une étude expérimentale du second régime a été réalisée avec des cellules microfluidiques dont les canaux ont des dimensions de l'ordre de 400µm. Les influences des propriétés du liquide, de la géométrie de la cellule et de l'orientation du champ de pesanteur sont caractérisées pour vérifier les prédictions du modèle analytique. Les résultats montrent une bonne correspondance entre la théorie et l'expérience ainsi qu'une forte sensibilité vis-à-vis des paramètres géométriques.

[1] Z. Sadjadi, H. Rieger, Scaling theory for spontaneous imbibition in random networks of elongated pores, Phys. Rev. Lett. 110, 144502 (2013)


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