Dans le but d'améliorer le dimensionnement en fatigue à grand nombre de cycles des structures, de nombreuses équipes de recherche travaillent sur la mise au point de modèles prédictifs à deux échelles. Ces modèles sont basées sur le principe que l'endommagement en fatigue à grand nombre de cycles est localisé à une échelle microscopique et est dû à l'activation de microplasticité. Pour pouvoir les enrichir, il s'avère nécessaire de mieux caractériser les mécanismes de déformation sous sollicitation cyclique de faible amplitude.
Cette caractérisation peut être indirecte comme c'est le cas lors de l'étude de mesures de l'auto-échauffement sous chargement cyclique. Ce type d'essai permet d'observer la réponse thermique d'un matériau sous sollicitation cyclique. L'éprouvette utilisée est sollicitée par une succession de blocs avec une amplitude du chargement croissante (amplitude constante par bloc). L'élévation de température est relevée dans la zone utile de l'éprouvette. Pendant la phase de sollicitation la température augmente jusqu'à atteindre une valeur stabilisée. Cette élévation de température est mesurée pour chaque bloc de sollicitation (i.e. pour chaque valeur d'amplitude du chargement) et peut être représentée sur un graphique, appelé courbe d'auto-échauffement. Ainsi à l'aide de cet essai, on a accès à la dissipation associée aux mécanismes de déformation mises en jeu sous sollicitation cyclique. [Munier, 2012] a montré que pour une large gamme d'aciers la courbe d'auto-échauffement mettait en évidence la présence de deux régimes. A partir de ces observations, un modèle à deux échelles probabiliste a été proposé [Munier, 2012].
En parallèle la caractérisation des mécanismes de déformation sous sollicitations cycliques peut être effectuée de manière plus directe à une échelle plus fine (i.e., celle de la taille du grain ou de quelques grains) mais seulement en surface. Plusieurs moyens d'observation peuvent être utilisés [Munier, 2012] : un microscope optique, un microscope électronique à balayage (MEB) et un microscope à force atomique (AFM). Chacun de ces moyens permet de se placer à différentes échelles d'observation et de fournir des informations qualitatives et quantitatives.
Dans un premier temps, pour observer ces mécanismes, des essais de fatigue sous sollicitation de traction alternée interrompus in-situ sont réalisés en utilisant une éprouvette par niveau de sollicitation (i.e. l'amplitude du chargement est toujours la même pour une éprouvette). Au cours de chaque interruption de l'essai, des clichés sont réalisés à l'aide d'un microscope optique (microscope Keyence) placé devant la machine hydraulique afin de ne jamais démonter l'éprouvette pendant l'essai. Les paramètres influençant l'apparition des mécanismes étudiés sont le nombre de cycle et l'amplitude du chargement cyclique. Au cours du chargement, des Bandes de Glissement Persistantes (BGPs) apparaissent en surface du matériau. Les clichés donnent des informations sur l'apparition et la répartition spatiale aléatoire de ces BGPs : l'aire occupée par les BGPs est dépendante de l'amplitude de sollicitation [Cugy et Galtier, 2002] ; le nombre de BGPs est dépendant de l'amplitude de sollicitation [Munier, 2012]. Ensuite, une démarche identique est réalisée mais cette fois-ci avec des chargements plus complexes.
L'objectif de ces observations est d'obtenir une meilleure compréhension des mécanismes se produisant sous sollicitations cycliques et une justification des ingrédients introduits dans le modèle à deux échelles.