Les très grandes vitesses de rotation des turbo-pompes nécessitent la présence de cavités fluides aux dos de leurs rotors afin de supporter les efforts créés par les fluides en rotation. Ces cavités sont équipées d'ajutages situés en entrée et en sortie du circuit du fluide et qui permettent par leur pertes de charge de contrôler la pression sur les faces des disques. Ces cavités constituent ainsi les Systèmes d'Equilibrage Axial (SEA) des pompes. Ces systèmes sont auto-équilibrants et la position axiale des rotors est obtenue lorsque les pressions sur leurs faces s'équilibrent. Il s'avère cependant que cet équilibre peut être instable lorsque l'écoulement est compressible : dans ce cas un couplage peut apparaître entre un oscillateur de type Helmholtz constitué du rotor de masse M et de la cavité fluide et un oscillateur hydraulique créé par les ajutages. Nous avons alors montré que ce système dynamique peut être décrit par l'équation différentielle du 3ième ordre suivante, où X est la variation de l'épaisseur de la cavité par rapport à sa position d'équilibre h:
X''' + ₂ X'' + ₀² X' +₁ X = 0, (1)
où ₀ est la pulsation propre du mode de Helmholtz de la cavité, ₁ et ₂ deux paramètres qui dépendent des caractéristiques des ajutages en amont et en aval de la cavité:
₀²= S²c²/MV₀ , ₁= K₂ S c²/MV₀ et ₂ = Kc²/V₀
avecla masse volumique du fluide, c sa vitesse du son, M et S respectivement la masse et la surface du stator, V₀ =S h le volume de la cavité. K est la somme algébrique des coefficients de perte de charge amont et aval et est donnée par les dérivées partielles: K = (Q/P)x où Q est le débit total traversant la cavité, et K₂ = (Q/e)p, où e est l'ouverture axiale de l'ajutage. K₂ caractérise la raideur de l'ajutage. La stabilité des solutions de l'équation (1) est donnée par le critère de Routh-Hürwitz qui stipule que la solution est stable si ₀² > ₁ / ₂ et donc que l'instabilité de SEA est susceptible d'apparaître lorsque la raideur des ajutages est supérieure à une valeur critique fonction de la compressibilité du fluide:
K₂/K >c²/h
Suite à cette étude théorique et afin d'étudier cette instabilité expérimentalement, nous avons conçu une cavité rotor-stator dont le stator est monté sur une membrane élastique pour pouvoir se déplacer axialement. La géométrie de l'ajutage, une soupape conique placée au centre du stator, a été choisie suite à des mesures préliminaires de pertes de charge. Les expériences ont été menées dans un fluide (l'hexafluorure de soufre, SF6) pressurisé entre 20 et 70 bars et qui a l'avantage de posséder, à proximité de son point critique, une faible vitesse du son (c ~ 100 m/s) et une faible viscosité (20 fois plus petite que celle de l'eau). Cela nous a permis d'explorer une large gamme de paramètres avec des écoulements fortement turbulents (Re > 10⁷) et compressibles (Ma ~ 0.5) dans des expériences de taille relativement réduite (~ 10 cm) et pourtant en similitude des turbo-pompes réelles. Après avoir caractérisé l'oscillateur de Helmholtz de notre système, en particulier par l'étude de sa réponse impulsionnelle, nous avons réussi à mettre en évidence pour la première fois en laboratoire l'instabilité de type SEA recherchée. Les mesures des seuils d'instabilité montrent que ceux-ci vérifient les prédictions de notre modèle théorique avec une grande précision. Finalement, des mesures de l'émission sonore de l'instabilité SEA ont montré qu'un mode acoustique axial « quart d'onde » était également excité.