En tant que maître d'ouvrage d'un parc étendu d'installations nucléaires, thermiques et hydrauliques, EDF est tenu de garantir la sûreté et la disponibilité de ses sites de production. En particulier, les ouvrages de génie civil sont, comme toute structure en béton, soumis à des phénomènes de vieillissement associés aux conditions environnementales, aux conditions d'exploitation et à de potentielles pathologies internes. De plus, les évaluations périodiques de sûreté font appel à des simulations d'accident grave (conditions de haute température en particulier). Ces calculs nécessitent des lois de comportement adaptées. Le comportement du béton à haute température étant très dépendant de sa teneur en eau, il est important d'évaluer la teneur en eau résiduelle au cours de la vie de la structure, en complément de techniques de mesure non destructrice donnant des informations locales.
La teneur en eau dépend des caractéristiques du béton, de la géométrie de la structure et des conditions environnementales (majoritairement température et humidité). La R&D et l'ingénierie d'EDF ont donc mis en place une démarche combinant expérimental et simulation visant à évaluer, à partir d'essais courants, la teneur en eau dans les structures béton.
Des essais de séchage ont été réalisés sur des éprouvettes, initialement saturées, exposées à différentes ambiances environnementales : température et humidité maintenues constantes. La perte de masse de chaque éprouvette est périodiquement mesurée. Pour évaluer les caractéristiques de transport du béton, chaque essai est simulé. Afin de permettre un ajustement très rapide des caractéristiques matériau, un modèle de comportement en transport simplifié a été retenu [thèse d'E. Olchitzky, ENPC, 2002]. Ce dernier est basé sur la poroélasticité non saturée et un transport Darcéen équivalent de l'eau. Ce choix permet d'obtenir des expressions analytiques (sous forme de séries infinies) de la perte de masse dans le cas de conditions de séchage simples: axial pur, radial pur, radial pur par deux faces (cas d'un cylindre creux). En effet, le problème de transport se réduit à une équation de champ sur la pression liquide de type équation de diffusion linéaire. L'ajustement des caractéristiques de transport du matériau (perméabilité équivalente et perte de masse relative asymptotique) pour chaque ambiance considérée est ainsi quasi-instantané.
L'exemple d'application proposé concerne le récupérateur de corium de l'EPR Flamanville 3 qui comprend une structure en béton sacrificiel située sous la cuve du réacteur. Les essais de séchage ont été réalisés sur différentes formules de béton pour quatre conditions thermo-hydriques différentes, et sur trois éprouvettes pour chaque essai. L'ajustement sur les pertes de masse mesurées sur 60 jours est très satisfaisant dans tous les cas.
A partir des caractéristiques de transport ainsi obtenues, de la géométrie de la structure et des conditions environnementales d'exploitation, il est possible de simuler la teneur en eau dans la structure. Le comportement en transport du béton est le même que celui utilisé pour simuler les essais. L'application proposée concerne une structure unidimensionnelle séchant par une face : la teneur en eau moyenne est évaluée en fonction du temps, y compris lorsque les conditions d'ambiance varient, dans les limites des données disponibles suite à l'analyse des essais de séchage.
Les perspectives d'amélioration portent d'une part sur la loi de comportement en transport, une modélisation plus physique permettrait de ne pas se limiter aux seuls couples température, humidité considérés expérimentalement ; et d'autre part sur une estimation plus fine du champ de teneur en eau et non de sa moyenne.