La carbonatation par fixation du CO2 atmosphérique est l'un des vieillissements les plus courants des structures en béton armé. La prédiction de la durée de vie d'un ouvrage soumis à la carbonatation passe par la modélisation des deux phénomènes : la diffusion du CO2 gazeux et les réactions chimiques entre CO2 et matrice cimentaire. Nous nous intéressons ici à l'influence de l'état hydrique du matériau sur la cinétique apparente de ces dernières.
Si l'influence de l'humidité sur la carbonatation est connue, beaucoup d'études ont été réalisées sur des ciments Portland et peu pour des liants à faible teneur en clinker. En outre, les contradictions entre certains résultats de la littérature résident dans les différences de traitements appliqués aux matériaux au préalable de la carbonatation. De fait, atteindre un équilibre hydrique entre matériau et ambiance avant carbonatation est une condition sine qua non pour pouvoir étudier correctement l'influence des conditions hydriques.
Dans le souci de satisfaire cette condition, nous avons mené des expérimentations sur des échantillons de pâtes de ciment de faibles dimensions, placées à différentes humidités relatives sur une longue période. Une fois l'équilibre atteint, ces échantillons ont été soumis à une carbonatation accélérée à la même hygrométrie. Deux pâtes ont été étudiées : l'une contenant un ciment CEMI, l'autre un mélange de laitier de haut fourneau et de CEMI.
Cette campagne expérimentale, associant suivis de masse et analyses thermogravimétriques (ATG), nous a fourni des informations sur la cinétique de carbonatation, supposée contrôlée par les réactions chimiques et non par la diffusion gazeuse. A cette échelle, la diffusion du CO2 a un temps caractéristique très faible au regard de la cinétique de carbonatation observée.
- Une bonne corrélation entre prise de masse et variation de concentration en CO2 a été observée pour la pâte au CEMI. Au contraire, l'évolution massique de la pâte au laitier n'est pas uniquement due à la fixation du CO2 mais également à un séchage, à cause de modifications des propriétés microstructurales et de cinétiques chimiques plus lentes.
- Une bonne corrélation a été observée entre les variations de concentration de portlandite et celles des carbonates, sans influence notable de l'état hydrique ni du temps. Pour la pâte au CEMI, les carbonates de calcium formés proviennent en majorité de la portlandite, qui se carbonate environ 10 fois plus vite que les CSH. Pour la pâte au laitier, les carbonates sont formés en majorité à partir des CSH. Dans ce matériau, Ca(OH)2 et CSH se carbonatent avec des cinétiques apparentes proches. Les carbonates des deux pâtes présentent des morphologies bien différentes.
- Le degré de carbonatation est beaucoup plus élevé pour la pâte au laitier que pour la pâte au CEMI. L'influence de l'état hydrique est plus faible pour la pâte au laitier.
- A partir de l'évolution des concentrations en CO2, nous avons montré l'influence du degré de saturation initiale sur la vitesse de production de carbonates. Ces vitesses sont inférieures à celles issues d'un modèle calé sur des données de carbonatation accélérée.
Si les données acquises lors de cette campagne expérimentale sont intéressantes et la méthode d'investigation prometteuse, cette dernière devra encore être améliorée. L'état de carbonatation des échantillons, notamment sa répartition spatiale, pourra être étudié au moyen d'autres techniques, comme la diffraction de rayons X, qui permettrait de mettre en évidence la manière dont progresse la carbonatation.