Dès le gâchage du ciment, l'eau devient multiforme dans la matrice cimentaire durcie, nous distinguons quatre types : l'eau adsorbée, l'eau capillaire, l'eau chimiquement liée et l'eau libre. Au cours de la prise et du durcissement, certains produits de l'hydratation (KOH, NaOH et Ca(OH)2) restent dissous dans la solution aqueuse interstitielle. Les teneurs en alcalins Na+ et K+ sont supérieurs à celles en Ca2+ à cause de l'insolubilité de Ca(OH)2 en milieu très alcalin et c'est la présence d'ions OH− qui contrôle le pH basique compris entre 12 et 13 de la solution. La composition de la solution interstitielle constituée par l'eau libre varie avec l'âge du matériau, au terme des réactions d'hydratation, elle contient quelques mmol/L de calcium, une dizaine de mmol/L de sulfates et plusieurs centaines de mmol/L d'alcalins. La solution porale des pâtes de ciment portland est initialement riche en Na, K, Ca, sulfate et ions hydroxyde.
L'étude et la connaissance de l'évolution de ces ions au cours du temps jouent un rôle très important dans la durabilité des matériaux cimentaires. D'un point de vue structural, l'évaluation de la concentration des ions chlorure par exemple permet d'évaluer l'état des armatures dans le béton. Ainsi la connaissance de la concentration des ions présents dans la solution porale permet de calculer la conductivité électrique et le pH de celle-ci qui est un indicateur de durabilité des matériaux cimentaires. Par ailleurs la conductivité de la solution porale elle-même joue un rôle important dans le calcul du coefficient de diffusion des espèces ioniques présentes dans celle-ci.
Ce papier présente les résultats de l'analyse chimique de la solution interstitielle sachant que la connaissance de cette donnée peut être utiliser comme paramètre de modèle ou avoir directement une conséquence sur le comportement mécanique des structures.
Il existe deux techniques qui permettent d'extraire la solution porale : la première est par compression, une méthode destructive qui a été développé par Longuet et al., et elle consiste à placer des fragments d'échantillon, en général de la matrice cimentaire, dans une cellule d'extraction. Le matériau est comprimé à l'aide d'une presse mécanique, et la solution porale sera recueillie par une seringue en passant par le drain du montage pour effectuer les analyses chimiques. La deuxième méthode est celle d'un perméamètre haute pression (Hassler Cell permeability) : c'est une méthode non destructive. Elle a été développée par Green et al., le principe consiste à placer un échantillon dans un noyau cylindrique ,et la pression est assurée par l'injection de l'eau déminéralisée.
Un dispositif d'extraction de la solution interstitielle en appliquant une pression de gaz inerte sera présenté dans cette étude. L'avantage principal de cette méthode est qu'elle est non destructive, l'échantillon peut être récupéré et réutilisé pour des autres essais. Les analyses chimiques ont été réalisés à l'aide d'un spéctromètre d'émission atomique. L'étude a montré que l'application d'une pression d'injection de 20 MPa et d'une pression de confinement de 23 MPa est suffisante pour l'extraction de la solution porale des pâtes de ciment de rapport E/C = 0,6 et 0,7 et du mortier de rapport E/C = 0,7. Pour les matériaux de faible rapport E/C, quelques gouttes d'eau ont été recueillies sur la face inférieure de l'échantillon montrant ainsi la limitation de la méthode.
Le calcul de la résistivité électrique par le modèle analytique, à partir de l'analyse chimique des ions présents dans la solution extraite, met en évidence que celle ci diminue avec la diminution du rapport E/C. L'intérêt d'avoir ce modèle analytique permet d'estimer la conductivité électrique d'une solution extraite de petite quantité avec précision.